Nouvelle traduction : Shougang / 首钢

J’ai pour la première fois entendu parler de cette célèbre usine de Pékin en 2006, quand ce pilier de la production sidérurgique en Chine annonçait son transfert vers la province du Hebei pour améliorer la qualité de l’air de la ville en vue des Jeux Olympiques de 2008. Je commençais une enquête de terrain dans un quartier industriel associé à une autre usine et un chercheur m’a conseillé d’aller visiter Shougang et son architecture impressionnante, du côté Ouest de la ville, juste à l’entrée des sublimes montagnes de de Mentougou. Je n’y étais pas allée à l’époque parce que, bien que l’on puisse rejoindre la Shougang directement par le métro, mon quartier d’enquête était, lui, très mal desservi par les transports en commun. Devrais-je regretter de ne pas y avoir été à l’époque? Je ne crois pas. Dix ans plus tard, cette friche industrielle est encore plus belle, car la végétation y a repris ses droits: mes paysages préférés. Bien que la Shougang soit en partie en démolition 1, la surface est si grande (près de 9 kilomètres carrés!) et les équipements industriels si solides et immenses qu’après tout ce temps, seule une proportion limitée du site est transformée ou perdue. <img55|center>

Acteur et témoin de l’histoire de Chine

L’histoire de la Shougang a démarré en 1919, année de sa fondation et de celle de l’Entreprise Metallurgique et Sidérurgique de la Capitale (首都钢铁集团). En 1958, durant la phase d’industrialisation à marche forcée de la Chine, l’usine a été modernisée afin de produire de l’acier en masse. Après avoir été le fer de lance de la production sidérurgique (notamment à travers l’usage de hauts fourneaux) sur plusieurs décennies, en 2005, les autorités de l’État central ont lancé un plan de transfert de cette industrie vers la ville de Tangshan, dans la province du Hebei. L’usine a donc progressivement ralenti son activité jusqu’à un arrêt complet de la production à la fin 2010. La Shougang est un témoin de l’histoire du 20e siècle chinois et un idéal-type du monde industriel socialiste. Elle employait plus de 100 000 ouvriers et employés qui vivaient dans des logements fournis par leur « unité de travail » (单位 danwei). L’usine avait aussi un système scolaire, un hôpital et toute une série d’équipement qui en faisaient une véritable micro-société. Même après la fermeture de l’usine, on retrouve toujours du matériel lié à la production, ainsi que des objets plus « ordinaires », qui n’ont pas été emmenés. De cette façon, on peut, en la visitant, se faire une idée assez claire de l’animation et de l’atmosphère de travail qui devaient y régner, ainsi que de la manière dont la production industrielle s’organisait. D’ailleurs, le site est toujours très vivant à l’heure actuelle: des bus publics y entrent et sortent, des familles d’anciens ouvriers continuent d’y habiter car oui, il y a même un village à l’intérieur de l’enceinte de l’usine.

Explorer Shougang

Shougang constituait en fait ma première exploration en matière de friche industrielle. C’est pourquoi, alors que le site regorge de bâtiments équipés de machines et d’objets étranges, j’ai préféré, pour l’instant, profiter de l’ambiance et de l’architecture extérieure en ce doux climat automnal à Pékin. C’est assez intéressant de remarquer que, parmi les conseils aux débutants trouvés sur les sites spécialisés d’urbex, tous expliquent que de toute façon, n’importe quelle usine nous éblouira pour une première expérience. Pour ma part, commencer par la plus grande usine sidérurgique de Chine, je dois dire que j’ai été plus qu’éblouie: c’est un choc radical qui touche les cinq sens. On tombe amoureux du lieu ou on le déteste à jamais, tellement la découverte est intense. C’est un site immense, on s’y perd en tentant d’échapper aux gardiens, on tombe sur des parties plus ou moins fréquentées, surveillées (la zone militaire est particulièrement contrôlée), et la Shougang concentre plusieurs urbex en son sein. Par exemple, il y a non seulement la friche industrielle mais aussi un chemin de fer abandonné, une sorte de Petite Ceinture chinoise, quelle chance 🙂 Mais si cette exploration est éprouvante, elle l’est aussi pour les gardiens, qui ne peuvent assurer une surveillance totale, si bien que l’on peut réellement profiter du lieu. L’idée est donc de ne pas « bâcler » cette urbex, de profiter de chaque visite pour s’intéresser plus précisément à un endroit et ensuite, de découvrir de nouvelles parties de la Shougang. Un conseil néanmoins: il taut vraiment être très prudent et ne pas aller seul en exploration, le site est extrêmement dangereux, il y a des trous, de l’équipement dangereux en phase de dégradation et des bâtiments peu stables. De plus, une fois encore, le lieu est si grand qu’en cas d’accident, il n’est pas certain que quiconque s’en rende compte.

Première visite: les entrepôts

Lors de ma première visite, nous nous sommes rendus sur place un dimanche d’octobre, durant les vacances nationales chinoises. L’enceinte de la Shougang était vraiment très calme. Nous en avons d’abord profité pour découvrir le chemin de fer abandonné. <img2|center> <img4|center> Puis, nous avons trouvé des bâtiments de bureaux abandonnés. <img3|center> Après deux heures d’exploration, nous avons entendu de grands bruits de travaux non loin de nous. Nous nous sommes dit qu’il s’agissait d’ouvriers de chantier qui allaient nous repérer mais après tout, il n’y avait pas vraiment d’autre solution, puisque nous étions obligés de repartir en passant à leur niveau. Quelle surprise de découvrir qu’il s’agissait de personnes en visite illicite, tout comme nous, qui volaient des pièces de métal de l’usine (selon eux, on pouvait en tirer quelques centaines de yuans par kilo). Ils nous ont dit de profiter du calme pour aller aux entrepôts situés plus au Sud. Dans les routes internes de l’usine, effectivement, peu de gens nous prêtaient attention. Des ouvriers de chantier nous ont raconté qu’ils démolissaient des bâtiments non loin de là, qui deviendront probablement comme ceux-ci: <img5|center> Nous avons vu une palissade métallique bleue, nous sommes faufilés de l’autre côté et nous sommes trouvés en présence de ces immenses entrepôts, si démesurément hauts, larges, longs, mais aussi si démesurément vides et silencieux. <img6|center> <img20|center> <img7|center> <img9|center> <img19|center> Bien sûr, les photos de ces lieux ne reproduisent pas la sensation qu’ils provoquent en pénétrant en leur sein. Cela ressemble à ce que l’on ressent dans une église ou même une cathédrale, mais dans une esthétique différente. <img8|center>

Seconde visite: éléments de production industrielle

Lors de la seconde visite, toujours en un agréable week-end d’octobre, nous sommes allés plus loin dans l’usine, près du coeur de la production industrielle et des formes étranges qui les composent. <img10|center> <img13|center> Nous avons pu suivre plus clairement le processus de production, depuis les casiers des ouvriers jusqu’à certains bâtiments industriels. <img11|center> <img12|center> Les parties métalliques des bâtiments recouvertes par la végétation aux couleurs de l’automne étaient particulièrement photogéniques. <doc14|center> Les formes industrielles de toutes tailles, des tuyaux jusqu’aux tapis de transport, nous ont impressionnés. <img15|center> <img16|center> <img17|center> Là encore, nous avons pu profiter du lieu durant deux bonnes heures, mais il a rapidement fait sombre. Il reste encore énormément de détails à découvrir dans ce lieu étonnant, ce n’est que le début d’une longue exploration urbaine… <img18|center>

D’autres (bien meilleures) explorations de Shougang

J’aime aussi ces rapports de visite de la Shougang par d’autres « urbexeurs »: -# Les explorations de Brïn sur son site BURBEX : il est allé de nombreuses fois à Shougang. Inside Shougang’s laboratory est un compte-rendu fascinant! On trouve aussi un très bon compte-rendu sur les machines dans cette exploration. Et je viens encore de trouver un autre rapport sur la Shougang ici… Ce type est trop fort! -# Zhao Yang / 赵阳, un photographe chinois, a lui aussi un magnifique site nommé « Cooling Plan / 冷却计划 »: on y trouve d’incroyables photos, des visions de la Shougang à couper le souffle, notamment depuis l’intérieur d’une tour de refroidissement… Cliquez ici.

  1. Durant une première pré-exploration avec un ami, nous nous sommes retrouvés directement dans la zone en reconstruction: des ouvriers transforment actuellement la partie Nord de l’usine en quartier artistique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *